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13 mars 2021

9 Le voyage de civilisation en omettant la loi qui régit la vie. Daniel Quinn . Ishmael

31 idées de Shadoks | shadok, humour, dessin humoristique- Oui c'est vrai la loi que nous recherchons ici et qui concerne les civilisations est semblable à la loi de la gravitation. Elle ne vise pas particulièrement les civilisations, mais s'applique à elles de la même manière qu'elle s'applique aux vols d'oiseaux ou aux troupeaux de daims. Elle ne fait aucune distinction entre les civilisations humaines et les ruches, et intéresse toutes les espèces sans distinction. C'est la raison pour laquelle la loi n'a jamais été découverte par votre culture. Selon la mythologie de Ceux-qui-prennent, l'homme est par définition une exception biologique. Ne faisant aucun cas des millions d'autres espèces, une seule est considérée comme un produit fini. Le monde n'a pas été fait pour produire des grenouilles, des sauterelles, des requins ou des criquets. Il a été fait pour produire l'homme. Par conséquent l'homme se tient là, seul, unique et définitivement séparé de tout le reste. 

(...)

Les dieux ont joué trois vilains tours à Ceux-qui-prennent. En premier lieu, ils n'ont pas situé le monde à l'endroit où ces derniers pensaient qu'il devait figurer, au centre de l'univers. Ceux-qui-prennent se montrèrent furieux de l’apprendre mais ils s'en accommodèrent. Même si la résidence de l'homme était rejetée à la périphérie, ils pouvaient toujours croire que l'homme demeurait le protagoniste du drame de la création. 

Le deuxième mauvais coup des dieux fut plus difficile à admettre. Puisque l'homme marquait l'apogée de la création, étant la créature pour laquelle tout le reste avait été fait, les dieux auraient dû avoir la décence de le fabriquer d'une façon qui soit compatible avec sa grandeur et sa dignité-dans un acte de création spécifique. Au lieu de cela, ils s'étaient contentés de le faire surgir du limon originel, tout comme les tiques ou les douves du foie. Ceux-qui-prennent furent réellement furieux de l'apprendre, mais ils sont sur le point de l'admettre malgré tout. Même si l'homme a surgi du limon originel, il lui restera ce destin divin qui lui a été assigné de dominer le monde et , peut-être un jour l'univers.

Le troisième et dernier mauvais coup fut le pire de tous. Bien que Ceux-qui-prennent ne le sachent pas encore, les dieux n'ont pas affranchi l'homme de la loi qui régit les larves, les tigres et les crevettes, les lapins, les mollusques et les daims, les lions et les méduses, pas plus qu'ils ne l'ont affranchi de la loi de la gravitation. Cela constitue le camouflet le plus sévère infligé à Ceux-qui-prennent. Concernant les deux premiers, ils ont réussi à s'adapter. Pour ce dernier, aucune adaptation n'est possible.

Ishmael continue alors en comparant le voyage de notre civilisation avec les premiers essais de vol.

Il y a dix mille ans, les gens de votre culture se sont embarqués pour un voyage similaire : un voyage de civilisation. Leur machine n'avait pas été conçue à partir d'une quelconque théorie. Comme notre aviateur imaginaire, ils n'étaient pas du tout conscients qu'il existe une loi à laquelle il faut obéir pour réaliser un voyage de civilisation. Ils ne se posaient même pas la question. Ils voulaient connaitre la liberté d'être dans les airs, aussi embarquèrent-ils sur le premier engin qui leur tomba sous la main et qu'ils baptisèrent : Tonnerre de ceux qui prennent

"Au début tout allait bien, tout était merveilleux. Ceux qui prennent pédalaient, et les ailes de leur engin battaient majestueusement. Ils se sentaient heureux, comblés. Ils faisaient l'expérience de la liberté de voler-cette émancipation des contraintes qui enchaînent et limitent le reste de la communauté biologique. Avec cette liberté, des prodiges ont surgi-tout ce que vous avez mentionné l'autre jour : l'urbanisation, la technologie, la littérature, les mathématiques, la science.

"Leur vol ne pouvait prendre fin, il ne pouvait que devenir de plus en plus exaltant. Ceux-qui-prennent ne pouvaient pas savoir, ni même soupçonner qu'à l'instar de notre infortuné aviateur ils étaient en l'air mais ne volaient pas. Ils étaient en chute libre, car leur engin n'était pas compatible avec la loi qui rend le vol possible. Mais leur désillusion étant encore à venir, ils pédalent gaillardement en coulant des jours heureux. Comme notre aviateur, ils notent quelques signes alarmants au cours de leur chute. Ils aperçoivent les restes d'engins semblables au leur : non pas détruits, simplement abandonnés-par les Mayas, par les Honokam, par les Anasazi, par les peuples de la culture Hopewell, pour ne citer que certains de ceux que l'on trouve ici, dans le nouveau monde. "

"pourquoi ces engins sont-ils au sol au lieu d'être en l'air? S'interrogent-ils. Pourquoi certains préfèrent-ils se déplacer sur terre alors qu'ils pourraient profiter de la liberté d'être en l'air, comme nous le faisons?" C'est là un mystère au-delà de tout entendement.

"Mais les fantaisies de peuples aussi sots ne concernent pas Ceux-qui-prennent. Ils continuent de pédaler et d'y trouver du plaisir. Ils ne sont pas prêts d'abandonner leur engin eux ! Ils vont jouir de leur liberté dans les airs, et pour toujours.

Mais hélas! La loi va les rattraper. C'est une loi qui comme celle de la gravitation, ne pardonne pas, et elle les rattrapera à un rythme accéléré.

"Quelques sinistres penseurs du XIXème siècle (...) ont commencé à regarder sous la surface des illusions.(...) C'est comme si le sol se précipitait à leur rencontre, comme s'ils allaient s'écraser. ."Si nous continuons ainsi, nous allons au devant de sérieux problèmes-et dans un avenir pas très éloigné." Les autres membres de leur culture récusent leurs prédictions. "Nous avons parcouru toute cette distance sans la moindre égratignure. Il est vrai que le sol semble se rapprocher, mais nous n'avons qu'à pédaler un peu plus vigoureusement. Il n'y a rien à craindre."

Pourtant (...)la famine devint une réalité banale dans plusieurs parties du tonnerre de ceux-qui-prennent; et il fallu pédaler de plus en plus vigoureusement pour être de plus en plus efficace. Mais, hélas, s'ils pédalaient avec une énergie croissante et plus d'efficacité qu'au début, les conditions de leur existence devenaient de plus en plus dures. (...) Peter Farb appelle cela un paradoxe: " L'intensification de la production pour nourrir une population croissante conduit sans cesse à un accroissement de la population." "Ne nous faisons pas de souci, se dirent Ceux-qui-prennent. Il nous suffira de soumettre certains de nos pédaleurs à une méthode fiable de contrôle des naissances. Ainsi, le tonnerre de Ceux-qui-prennent volera éternellement. "

"De nos jours des solutions aussi simplistes ne suffisent pas à rassurer les peuples de votre culture.(...) les pessimistes-il doit plutôt s'agir de réalistes-regardent en bas et annoncent : " le crash peut se produire dans vingt ans, peut-être cinquante. En fait, il peut se produire à tout moment, il n'est pas possible de le préciser." Mais il y a également les optimistes qui affirment : "Nous devons avoir confiance en notre engin. Après tout, il nous a amenés très loin et en toute sécurité. Ce qui est devant nous n'est pas une catastrophe, c'est seulement un petit obstacle que nous pourrons franchir si nous pédalons avec un peu plus d'énergie. Cet obstacle franchi, nous prendrons notre essor vers un avenir éternel et glorieux, et le tonnerre de Ceux-qui-prennent nous enverra jusqu'aux étoiles et nous conquerrons même l'univers."

Mais votre engin ne vous sauvera pas. Bien au contraire, c'est lui qui vous précipitera vers la catastrophe, même si vous êtes cinq ou dix ou vingt milliards à pédaler, vous ne pourrez pas le faire voler. Il est en chute libre depuis le début, et cette chute va bientôt se terminer."

(...)

" Le plus grave, c'est que les survivants, s'il y en a , referont immédiatement les mêmes choses, et de la même manière.

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Commentaires
E
"Ils faisaient l'expérience de la liberté de voler cette émancipation des contraintes <br /> <br /> qui enchaînent et limitent le reste de la communauté biologique."<br /> <br /> Bien-vu Vi pour l'image des Shadocks ;)<br /> <br /> Le final est ... ah, non, hein !!
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